Date de publication: 08 Nov 2021 CHSCT ministériel de l’ESR du 26 octobre
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Avis N01 sur la prévention des risques liés à l’exposition aux prions infectieux :
Le CHSCT ministériel de l’ESR rappelle son avis du 1er octobre 2019 (avis no 5) demandant « la liste exhaustive des laboratoires, des serres et des animaleries de niveaux de confinement 2, 3 et 4, et la liste des agents biologiques pathogènes manipulés ou stockés dans chacune d’entre-elles.« , ainsi que la réponse de la ministre : « Il ressort des informations obtenues auprès des services de la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle et ceux de la direction générale de la recherche et de l’innovation que les listes des laboratoires, des serres et des animaleries ainsi que des agents biologiques pathogènes manipulés ou stockés dans chacune d’entre-elles constituent pour certaines d’entre elles des informations sensibles non diffusables. En tout état de cause, elles ne sont pas détenues à l’administration centrale mais par les établissements concernés.«
Le CHSCT ministériel a pris connaissance des documents fournis par l’administration. Il note que cette liste a pu être établie dans le rapport de l’IGÉSR no 2020-123 et du CGAAER no 19081 de septembre 2020, dans sa version disponible aujourd’hui sur le site l’IGÉSR, malgré les craintes du ministère. Il constate que le refus de madame la ministre de répondre à l’avis du 1er octobre 2019 a repoussé de deux ans l’information et la formation obligatoire des travailleur et travailleuses sur la nature précise des agents biologiques pathogènes sur lesquels ils devaient travailler, les protections collectives et individuelles à mettre en place les exposant ainsi, à des risques graves (mortels et incurables) alors même qu’elle en était informée.
Le CHSCT ministériel prend note des recommandations du rapport et demande au ministère de mettre en place des actions qui y répondront.
1/ risques biologiques en général
Le CHSCT ministériel demande le renforcement de la traçabilité des expositions aux prions infectieux et du suivi post-exposition et post-professionnel, à l’instar de ce qui existe pour les agents chimiques CMR (cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques) au travers d’un dispositif de traçabilité des expositions pour chaque agent concerné (nature du travail réalisé, période, procédé de travail utilisés, moyens de prévention collective et individuelle). Pour rappel, la fiche d’exposition doit conserver dans le dossier médical de chaque agent concerné les éléments visés pour transmission au service du personnel et au médecin de prévention en cas de mobilité et une attestation d’exposition doit être établie en fin d’activité professionnelle pour les agents exposés.
Afin de permettre ce suivi professionnel, il recommande l’obligation de déclaration auprès de l’inspection du travail avant toute manipulation d’ATNC (agents transmissibles non conventionnels) comme le prévoit l’article R.4427 du code du travail, pour étendre à la fonction publique ces mesures de prévention obligatoires dans le secteur privé.
Compte-tenu des différents modes de contamination, notamment le risque de contamination par aérosols, le CHSCT ministériel demande que soit diligentée une expertise collective au sens du dispositif de l’Inserm ( https://www.inserm.fr/expertise-collective/ ) afin de les identifier clairement. Cette expertise réaliserait une étude bibliographique des connaissances scientifiques actuelles pour également identifier les procédures de décontamination en cas d’accident et les préconisations en terme de mesures de protection collectives et individuelles nécessaires ; elle permettra de faire dès maintenant un point d’étape accessible à la communauté. Cette expertise doit se faire sur une base internationale ; elle doit aussi s’appuyer sur l’expérience des agents travaillant dans les laboratoires concernés. Se pose par exemple la question de demander un niveau L4 pour la manipulation de ces ATNC et au minimum niveau L3 sans astérisque * (« Accolé à certains agents biologiques pathogènes du groupe 3, cet astérisque indique qu’ils peuvent présenter un risque d’infection limité car ils ne sont normalement pas infectieux par l’air », arrêté du 18 juillet 1994 fixant la liste des agents biologiques pathogènes).
Le CHSCT ministériel demande de mettre en place un système de formations spécifiques et continues aux risques et aux bonnes pratiques pour tous les agents travaillant sur les ATNC, avec une habilitation pour travailler sur ces agents infectieux, un livret de compétences pour les personnes habilitées, et le suivi du recyclage.
Le CHSCT ministériel demande que la manipulation des ATNC soit soumise au contrôle d’une autorité indépendante, à l’instar de l’autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour l’utilisation des radio-éléments et rayonnements ionisants.
2/ risques organisationnels soulevés par cette affaire
Le rapport de la mission d’expertise met en évidence nombre de dysfonctionnements dans l’organisation de la prévention des risques professionnels pour la santé et la sécurité au travail.
Le CHSCT ministériel demande des réponses immédiates sur :
- le manque de médecins de prévention/du travail et par suite la défaillance des visites de surveillance médicale particulière pour les agents concernés ; les problèmes d’information entre établissements et médecine de prévention/du travail — qui n’a pas toujours connaissance des produits manipulés et ne peut que s’appuyer sur la déclaration des agents lors des visites ;
- l’obligation de sensibiliser et former les agents, les services RH, les services administratifs, les services de médecine de prévention à la déclaration des accidents de service/travail ou le remplissage des registres de santé et sécurité au travail pour permettre la traçabilité systématique des risques de contamination, qui ne s’appuie pas que sur du déclaratif a posteriori ;
- la mise en œuvre de mesures de prévention spécifiques dans un contexte où le nombre de contrats à durée déterminée, éventuellement renouvelés plusieurs fois, peut être significatif dans certains sites ;
- une consolidation des formations (accueil des nouveaux arrivants, formations théoriques plus approfondies, formations pratiques certifiées) qui ne se réduisent pas à une formation en ligne de 2 heures et qui tiennent compte de la rotation (turn-over) des agents ;
- une étude dans chaque établissement concerné des conditions de l’élimination des DASRI (déchets d’activités de soin à risques infectieux) avec une attention particulière aux plans de prévention pour les entreprises extérieures ;
- par ailleurs, il doit être dit et redit que la pression au travail et la concurrence entre chercheurs ou équipes doit passer après la santé et la sécurité des agents. Il ne sert à rien de faire des protocoles de sécurité adaptés, si, dans la réalité, les équipes s’en affranchissent et que les établissements et les encadrants couvrent ces dysfonctionnements.
Compte tenu de la durée d’incubation de ces pathologies et de la létalité de celles-ci, l’annonce du second cas de maladie de Creutzfeld -Jakob et du moratoire du 27 juillet 2021 a suscité une légitime anxiété des personnels des laboratoires concernés par les travaux sur les ATNC à l’heure actuelle ou par le passé. Le CHSCT ministériel demande qu’un suivi médical et psychologique soit proposé à ces personnels.
Le CHSCT ministériel demande que le rapport de la « Mission d’expertise de la sécurité dans les laboratoires de recherche sur les prions infectieux », de l’IGÉSR et du CGAAER de septembre 2020 soit lu et travaillé dans tous les CHSCT des établissements et sites hébergeant les laboratoires de recherche sur les ATNC ou des établissements manipulant ces ATNC (EPST, universités, écoles, …).
Voté à l‘unanimité des représentants du personnel au CHSCT ministériel de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche