CTMESR du 24 octobre 2019.
Intervention de l’UNSA

CTMESR du 24 octobre 2019.
Intervention de l’UNSA

Cette intervention est une expertise de l’UNSA auprès du Comité technique ministériel de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

Le texte présenté pour avis aujourd’hui a déjà fait l’objet d’un examen en CTMEN et CSE et a été à cette occasion pour partie amendé.

Mon éclairage portera simplement de manière succincte sur l’évolution de l’organisation académique de ces dernières années puis sur le seul point de l’évolution du rôle du recteur chancelier.

Ce projet de décret est l’aboutissement d’un processus de réorganisation des services déconcentrés de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur qui s’inscrit dans une conception globale du rôle de l’État central et déconcentré qui transcende les changements de majorités politiques. C’est bien ici, sans que cela soit irrémédiablement péjoratif, la technocratie qui est à l’œuvre.

Ce processus a commencé avec le décret n°2012 du 5 janvier 2012 relatif à l’organisation académique. Ce décret disposait la création d’un comité de direction de l’académie et enterrait les inspecteurs d’académies au sens traditionnel du terme pour mieux les faire renaître comme DASEN, directeurs académiques des services de l’éducation nationale. La création des DASEN, ne disposant plus que d’une délégation de signature du recteur et non plus d’une délégation de pouvoir du ministre marquait une concentration du pouvoir au profit d’un recteur représentant des ministres. Un nouveau ton était donné, qui n’ira qu’en s’amplifiant, y compris, nous le verrons, en matière d’enseignement supérieur.

Dans ce cadre tracé, le décret n° 2015-1616 du 10 décembre 2015 n’aura été que l’étape nécessaire pour mettre les services déconcentrés de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur en accord avec la réforme territoriale de l’État posée par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe qui réduisait le nombre de régions de 26 à 17. La création des régions académiques, qui n’est pas une fusion mais une réunion des académies correspondant à l’espace politique régional décentralisé, entraîna l’émergence d’un recteur d’un genre nouveau, le recteur de région académique, qui est en grande partie l’objet du nouveau décret examiné aujourd’hui.

On serait tenté de dire, par rapport à ces évolutions des services déconcentrés de l’État qui ne les concernent pas, que les services décentralisés de l’État que sont les établissements de l’enseignement supérieur, portés qu’ils sont par la loi 2007-1199 du 10 août 2007 dite d’autonomie des universités et plus précisément LRU, auront vécu leur vie en parallèle, en toute indépendance.

Or, indépendance n’est pas le mot. Si les établissements d’enseignement supérieur sont des structures décentralisées de l’État, cela signifie que ce sont des établissements publics de l’État, des opérateurs de l’État, des objets juridiques qui relèvent d’une décentralisation technique et non pas d’une décentralisation politique, décentralisation politique qui en ferait, en quelque sorte, des collectivités locales sans territoire.

Certes, certains peuvent considérer que la loi LRU est porteuse d’autre chose qu’une simple autonomie de décentralisation technique, qu’elle possède une indéniable dimension politique, qu’elle tend vers une certaine forme d’indépendance, qu’un statut type « collectivité » serait, de ce point de vue mieux adapté.  L’UNSA, bien que très attachée aux libertés universitaires, n’a jamais partagé cette tentation de l’autonomie-indépendance.  Nous pensons de ce point de vue que la loi LRU a introduit de l’ambiguïté, et que cette ambiguïté est dangereuse.

Personne, je suppose, ne souhaiterait que ces établissements passent, pour forcer le trait, de l’autonomie à l’auto-anomie, permettez-moi ce néologisme, anomie étant ici à prendre au sens étymologique, comme une volonté d’échapper à la règle commune.

Oui, mais quelle règle ? Si les établissements d’enseignement supérieur doivent voir leur autonomie contrôlée, il est tout aussi nécessaire que ce contrôle soit pertinent et ne glisse pas vers un contrôle tatillon s’immisçant par trop, sous couvert de légalité, vers un contrôle d’opportunité.

Pour ce faire, il nous semble qu’il y a, du point de vue du pouvoir réglementaire organisant les services déconcentrés et décentralisés, deux approches politiques qui ont des conséquences juridiques différentes.

Une en faveur de la périphérie, l’établissement, l’autre en faveur du centre, l’académie.

L’approche en faveur de la périphérie peut consister en la création de directions dédiées dans les académies en appui technique des établissements d’enseignement supérieur dans les domaines juridiques et financiers, par exemple. Ces directions pourraient être des services déconcentrés placés sous l’autorité directe du ou de la ministre. Dans cette hypothèse, le recteur chancelier demeure mais il n’a pas de rôle politique, ce sont les présidents des établissements d’enseignement supérieur qui utilisent des services qui leurs sont dédiés qui exercent ce rôle politique en liaison directe avec le ministère par direction dédiée interposée. Cette approche conforte la vision d’établissements d’enseignement supérieur comme collectivités décentralisées autonomes.

L’approche en faveur du centre peut consister à renforcer le rôle traditionnel du recteur chancelier en faisant du recteur de région académique le seul interlocuteur des établissements d’enseignements supérieurs et en créant, dans les régions académiques où la densité universitaire est jugée la plus forte, un recteur délégué pour ce faire. Le décret qui vous est présenté obéit à ce schéma, il réunit le politique et le technique sur la seule tête du recteur, qui ne saurait être regardé comme un simple directeur de service dédié mais qui assume la cohérence globale des politiques conduites par l’État. De ce point de vue, il faut bien garder en tête que le délégué régional à la Recherche et à la Technologie, même s’il dépend formellement du préfet, rend compte au recteur de son action, le recteur lui-même étant soumis au pouvoir d’instruction de la ministre. Cette approche conforte la réalité d’établissements d’enseignement supérieur comme établissement publics, disposant à ce titre d’une autonomie renforcée dans le cadre de la loi LRU que, quoiqu’on en pense, un simple décret ne saurait remettre en cause, mais qui demeurent des structures décentralisées de l’État, opérateurs de l’État.  Pour l’UNSA, sur le seul point de la relation régions académiques/établissements d’enseignement supérieur, sans préjuger l’appréciation générale du texte, c’est l’approche en faveur du centre, garante de la cohérence des politiques publiques et qui est a priori l’approche retenue par le texte, qui a notre assentiment.