Édito La Revue n°97
L’impôt, pas la charité

Édito La Revue n°97
L’impôt, pas la charité

Le 9 mai, dans le cadre d’une large intersyndicale pas vue depuis longtemps, les fonctionnaires des trois versants de la fonction publique étaient en grève et en manifestations pour dire « non » à la réforme que veut imposer le gouvernement.
Au-delà de l’image caricaturale de la défense des avantages dits « acquis » et autres statuts dits « immuables » que nombre de médias et think tanks d’une certaine bien-pensance libérale n’auront pas manquer de brocarder et de dénoncer car « ça coûte et ne rapporte rien », il s’agissait bien et il s’agira toujours dans les jours et sans doute mois et années à venir de défendre une certaine idée de la société, une certaine conception de la solidarité où chacun est l’obligé de tous.

Car la fonction publique c’est bien avant tout le service du public au travers d’un modèle qui se nourrit de la contribution de tous au travers de l’impôt. Personne n’aime payer l’impôt mais tout le monde veut des services. C’est ce paradoxe qu’un gouvernement proche des citoyens devrait tendre à résoudre en travaillant sur la justice fiscale tout en œuvrant, et l’UNSA ne s’y est jamais opposée, à l’amélioration des services à rendre au public. Irresponsable et liberticide, diraient certains, tel l’ultra libéral Friedrich Hayek, qui voyait dans l’impôt, outre son caractère d’exutoire du ressentiment social, une subversion de la liberté et de la responsabilité individuelle. Mais qu’est-ce être responsable ? Prenons un exemple extrême outre-Atlantique, au pays de la liberté et de la responsabilité individuelle.

Prenons le cas révélé par « Ouest-France » de cette professeure de Californie malade du cancer et qui, ayant épuisé ses quelques droits, doit désormais payer son remplaçant. Oserait-on affirmer sans rougir qu’elle est responsable de son état ? Aucun recours possible cependant, si ce n’est la charité publique. Les syndicats conscients de la gravité de la situation voudraient renégocier mais ils travaillent « dans le cadre d’un système éducatif public qui est financièrement atone ». Amer constat sur un système où le service pour tous meurt de l’indifférence de tous !

Cette atonie financière, n’est-ce pas à l’inverse de ce qu’en aurait dit Hayek,
le produit d’une irresponsabilité individuelle généralisée, irresponsabilité qui finit par tuer la liberté ? Car qu’est-ce qu’être libre, là où ma liberté
je dois, pour survivre, l’aliéner à la charité des autres ?

Bien que nous soyons bienheureusement très loin de ce modèle en France, cet exemple démontre que ce monde d’injustice extrême est possible. Prenons donc garde aux discours qui sous couvert de liberté individuelle ne font que renforcer l’irresponsabilité collective.

L’impôt, pas la charité.

Jean-Marc Bœuf
Secrétaire général