Revue 104 : Éditorial de Jean-Marc Bœuf, secrétaire général

Revue 104 : Éditorial de Jean-Marc Bœuf, secrétaire général

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« Ils sont trop verts, dit-il, et bons pour des goujats »

(La Fontaine, « Le renard et les raisins »)

Il y a bien des manières de faire du syndicalisme. Wikipédia, l’encyclopédie en ligne et dans le vent, n’en recense pas moins de 10 : syndicalisme d’affaire, de transformation sociale, révolutionnaire, réformiste, de lutte ou de combat, corporatiste, jaune, chrétien, éco-syndicalisme, anarcho-syndicalisme…

On remarque, en parcourant en ce début d’année les définitions « en ligne » de ces syndicalismes, qu’une entrée est totalement vide, celle de « l’éco-syndicalisme ». Et l’on entend déjà celles et ceux qui y verraient démonstration d’archaïsme alors qu’elle n’est en l’occurrence que la limite d’un certain encyclopédisme, ne serait-elle que conjoncturelle, la préoccupation écologique étant bien présente dans le mouvement syndical français.

Car les classifications connaissent bien vite leurs limites. Nous concernant, qu’est-ce à dire « réformiste » ? Est-ce être à la solde des employeurs, de « l’administration » comme on aime à dire dans la fonction publique ? S’essayer à améliorer le fonctionnement du service public au travers de l’amélioration de la situation de ses agents, est-ce simplement du « corporatisme » ? Ne pas vouloir « bureaucratiser l’école », comme nous l’avons si souvent écrit, n’est-ce pas vouloir préserver sa capacité à être outil de « transformation sociale » ? Est-ce être « jaune », enfin, que de conduire l’employeur à la négociation afin d’en récolter les premiers fruits comme promesse d’une meilleure récolte ?

« Ils sont trop verts, dit-il, et bons pour des goujats ». A trop vouloir jouer les renards des lendemains qui chanteraient, certains ne font que démontrer qu’en tout, ils n’accèdent à rien. Dauber ce que d’autres ont obtenu plutôt que de convaincre par la force de leur action est alors leur seul recours. Grand bien nous fasse, ils ne font là démonstration que de leur impuissance.

Le congrès qui s’approche sera l’occasion nouvelle d’interroger notre syndicalisme. Nous le savons déjà multiple, il faut l’imaginer fécond, capable d’entrer dans le réel, qui pour l’instant est celui de la crise sanitaire économique et sociale mais d’y entrer sans a priori idéologique, tout en gardant en tête les valeurs qui sont les nôtres.

Jean-Claude Carrière, disparu récemment, rappelait « quand on veut scier un morceau de bois, il ne faut surtout pas appuyer fortement la lame de la scie mais la poser sur le bois et laisser les dents de métal trouver d’elles-mêmes le droit chemin de la morsure. »

Le « droit chemin de la morsure » dans le réel, celui d’un syndicalisme proche, expert, collectif, engagé et fort.

Jean-Marc Boeuf

Secrétaire général A&I UNSA