Revue 113 : Éditorial de Jean-Marc Bœuf, secrétaire général

Revue 113 : Éditorial de Jean-Marc Bœuf, secrétaire général

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Rendre de l’espace au temps

« Ici, l’espace nait du temps ».
Cette phrase – extraite de la traduction française du livret d’un opéra d’un temps antérieur à la théorie de la relativité – au-delà des aspects philosophiques et d’esthétique musicale qui semblent bien étrangers et éloignés de nos préoccupations concrètes et quotidiennes, me parait toutefois illustrer de façon singulière ce que vivent beaucoup de nos collègues aujourd’hui, quel que soit leur secteur, confronté-es à un exercice chronophage qui les enferment dans leur espace de travail, celui de la manipulation épuisante des systèmes d’information.

D’une certaine manière, la formule « Métro boulot dodo » qui fit florès en 1968 n’exprimait pas autre chose, dans sa « couleur d’usine », qu’un espace rétréci dans un temps contracté.

Ce temps contracté, cet espace rétréci, voilà le quotidien de nos collègues face au diktat de l‘innovation-performance, bredouillée par des robots plus artificiels qu’intelligents.

Sur cette question essentielle, part intégrante de la qualité et des conditions de vie au travail, le congrès de l’UNSA Fonction Publique qui se déroula le 11 mai fut l’occasion d’une table ronde autour de l’ouvrage de deux ergonomes, « Le travail pressé. Pour une écologie des temps du travail », qui affirme sans ambiguïté « qu’il s’agit de traiter le milieu de travail comme un écosystème (…) Or un écosystème se ménage, se cultive et se soigne. »

Ces propos rejoignent très exactement ce que nous revendiquons : manager c’est avant tout ménager, la personne est plus importante que l’outil.

Utopie ? Pour l’éducation nationale et la jeunesse, et cela devrait être valable pour l’ensemble de nos secteurs, le ministre a affirmé partager ce même souci de l’attention aux personnes.

Et c’est bien cela, « rendre de l’espace au temps » : retrouver dans celle et celui qui travaillent la personne que l’on ne peut simplement enfermer dans le seul espace du temps de travail.

Est-ce utopiste ? Dans un pays déchiré par le conflit des retraites aux risques de conséquences politiques redoutables, l’utopie, comme affirmation d’un futur désirable, est nécessaire. Cependant ce futur désirable ne peut advenir que par un futur antérieur : celui de la nécessaire action préalable, sans quoi la parole politique qui se projette vers l’avenir n’est que mensonge.

Voilà notre vérité syndicale.

Il nous appartient, à l’aube de ce qui sera l’espace et le temps choisi de notre conseil national, de la faire entendre et vivre, encore et encore.

Jean-Marc Boeuf, secrétaire général d’A&I UNSA

Référence de l’ouvrage : Corinne Gaudart et Serge Volkoff « Le travail pressé. Pour une écologie du travail » édition « les petits matins »