Revue 115 : Éditorial de Jean-Marc Bœuf, secrétaire général

Revue 115 : Éditorial de Jean-Marc Bœuf, secrétaire général


Nous l’avons déjà exprimé à plusieurs reprises : il est différentes manières de faire du syndicalisme.


Certains estiment qu’il n’est pas dans le rôle d’une organisation syndicale de prendre parti, notamment sur des évènements qui n’ont pas en apparence de lien direct avec l’action syndicale et la défense des intérêts matériels et moraux de celles et ceux qui sont nos « mandants ».


Cette position, exposée souvent sous couvert de l’apolitisme qui aurait présidé à la « charte d’Amiens » adoptée par le congrès de la CGT en 1906, n’est pas la nôtre.


En effet, ce n’est pas jouer sur les mots que de dire que rien ne fut moins « apolitique » que le mouvement syndical français, depuis la fondation de la première confédération ouvrière à Lyon en 1886 – qui donnera naissance à la CGT en 1896 – jusqu’à la création de l’UNSA en 1993, née pour partie de la FEN qui elle-même refusa de choisir entre la CGT et F.O en 1948 pour des motifs qui n’ont rien « d’apolitiques ».


Aussi, plus « qu’apolitisme », conviendrait-il de dire, avec Jacques Julliard* ,« apartitisme ».


C’est ce que nous exprimons par la formule « ne pas faire de politique mais agir sur le politique ». Ne pas faire de politique signifie en l’espèce ne pas être inféodé à un parti. Ce qui ne signifie pas que nous ne sommes pas partie de ce qui se passe dans le monde.


La charte des valeurs de l’UNSA est très claire à ce propos. Nous ne saurions nous départir d’avoir une opinion et le cas échéant de l’exprimer sur ce qui se passe dans le monde. Le communiqué de l’UNSA du 7 octobre fut de ce point de vue remarquable :

« L’UNSA ne peut admettre que des juifs soient visés parce que juifs et se sentent menacés et agressés. Comme elle n’admettra jamais que les musulmans qui vivent en France puissent être assimilés aux barbares de l’organisation terroriste Hamas qui tue les civils y compris musulmans souvent premières victimes de l’islamisme radical. »


Cependant, à première vue, les métiers de l’administration que nous représentons semblent bien moins en prise avec le monde que celui exercé par les enseignants et enseignantes, conduits pour beaucoup à traiter directement de sujets sociétaux et confrontés directement dans leur pratique professionnelle aux soubresauts
parfois tragiques, à leurs risques même, qui agitent cette même société.


Je pense que c’est là oublier un peu vite les raisons qui présidèrent en 1946 à l’adoption du statut général des fonctionnaires. Défendre la République et ses valeurs, Libérer et protéger l’administration et celles et ceux qui l’incarnent de l’arbitraire, qui avait pris naguère le tour sombre du régime de Vichy, n’étaient pas les moindres de ses objectifs.


Nous sommes pour partie cette administration. Si science sans conscience n’est que ruine de l’âme,
administrer sans conscience du monde risquerait de n’être que ruine de la République.

*Jacques Julliard • La charte d’Amiens, cent ans après.
Texte, contexte, interprétations.