Revue 119 : éditorial de Jean-Marc Bœuf,
secrétaire général

Revue 119 : éditorial de Jean-Marc Bœuf,
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UBU SUR LE POTOMAC

La victoire de Donald Trump aux élections américaines confirme qu’il est des fois en politique où la vérité vraie, factuelle, n’est jamais autre chose qu’une vérité parmi d’autres. En ces circonstances, mentir, éructer, insulter, dérailler même, ne changeront rien à l’affaire du moment qu’électeurs et électrices s’y retrouvent, entre peurs et espoirs.

Cela n’est sans doute pas nouveau. En quelque sorte, la vérité politique réduite à sa dimension politicienne est souvent mensonge d’un jour qui prétend être vérité demain. Pour prendre des exemples hexagonaux, cela peut, d’un bord à l’autre de l’échiquier politique, aller du refus de qualifier de terroriste ce qui l’est au déni de ce dont la loi dispose. La vérité coule alors de la source du mensonge : c’est votre opinion, je garde la mienne.

Réduire la vérité des faits au fait d’une opinion est gravissime. Même si l’action d’un syndicat comme le nôtre est orientée, et en cela c’est heureux, par ce que nous pensons être les intérêts matériels et moraux de celles et ceux qui nous font confiance au travers des élections professionnelles, nous avons toujours soin d’étayer nos opinions, nos convictions, sur des enquêtes, sur les remontées de nos sections académiques, sur les conclusions de nos groupes de travail internes.

Or, alors que rien n’a jamais permis d’affirmer que les Haïtiens mangeaient les chiens, le développement en politique de ce type de mensonge éhonté, érigé en vérité parallèle qui en vaudrait bien d’autres, est inquiétant pour la qualité du dialogue social et les possibilités de négociations qui ne soient pas faussées d’entrée. De ce point de vue, toute proportion gardée, la confusion entretenue par le ministre de la fonction publique entre arrêts maladies a priori justifiés pour lesquels il existe une procédure de contrôle et absentéisme injustifié qu’il conviendrait de punir en faux parallèle avec ce qu’il se pratique dans le privé et sans s’interroger plus sur ce qui peut motiver cette situation en termes de QVCT, est une forme de mensonge.

Trump est un élève qui pour notre malheur ne demande qu’à faire école. En conclusion, je voudrais ici faire parler celui dont il est à son insu l’élève, Ubu roi, bien qu’il lui manque la poésie, fût-elle monstrueuse, voulue par Alfred Jarry :

« PERE UBU :

(Sur un bateau qui manque chavirer après qu’il a décidé de commander et reprenant de travers les ordres du commandant)

Ceci n’est pas mal, c’est même bon ! entendez-vous, monsieur l’équipage ? amenez le grand coq et allez faire un tour dans les pruniers. ( …)

Ah ! messieurs ! si beau qu’il soit (le pays de Germanie) il ne vaut pas la Pologne. S’il n’y avait pas de Pologne il n’y aurait pas de Polonais !

Et maintenant, comme vous avez bien écouté et vous êtes tenus tranquilles, on va vous chanter LA CHANSON DU DECERVELAGE. »