Loi 3DS : Intervention de l’UNSA Education et de ses syndicats au CSE du 16 décembre 2021

Loi 3DS : Intervention de l’UNSA Education et de ses syndicats au CSE du 16 décembre 2021

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Monsieur le Président,

Mesdames et messieurs les représentants de l’Administration,

Mesdames et messieurs les membres du CSE,

L’Assemblée nationale poursuit l’examen du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale dite loi 3DS.

Nous étions déjà intervenus en séance au CSE du 17 mars 2021 pour alerter sur le danger de l’article 41 soumis au Sénat pour vote qui posait la question de l’administration de l’EPLE, du métier d’adjoint gestionnaire, de son devenir, et du rôle de la collectivité dans le Service Public d’Education.

Les sénateurs n’avaient pas voulu d’un article trop mesuré à leur goût, qui introduisait l’expérimentation d’un pouvoir d’instruction sur les adjoints gestionnaires lié à la signature d’une convention avec l’établissement et l’avaient retiré, souhaitant visiblement que les adjoints gestionnaires d’EPLE soit purement et simplement décentralisés.

Aujourd’hui, non seulement cet article 41 est réintroduit par le gouvernement mais il est à nos yeux aggravé par la disparition du caractère expérimental d’un dispositif qui ne confie rien moins qu’une autorité fonctionnelle pleine et entière de la collectivité locale sur des adjoints gestionnaires fonctionnaires de l’Etat et membres d’une équipe de direction d’un établissement public dont les missions éducatives et pédagogiques relèvent de l’Etat.

Nous le savons tous : l’EPLE est au carrefour des intérêts politiques liés au système éducatif :

  • Celui des intérêts de l’Etat, dans la mise en œuvre de ses choix politiques nationaux, et de leur déclinaison académique, Etat représenté par le Chef d’Etablissement ;
  • Celui des intérêts de la communauté scolaire, représentée par le Chef d’Etablissement Président du Conseil d’Administration, qui met en synergie les usagers de la structure ;
  • Celui des intérêts de la collectivité, dans la mise en œuvre de la politique qu’elle impulse sur son territoire.

La question posée par cet article 41 est simple : est-ce assez, ou faut-il renforcer le rôle de la collectivité dans le système d’Education ?

La collectivité exerce déjà un réel pouvoir sur l’EPLE. Pour l’exercer, elle considère déjà l’adjoint gestionnaire comme l’un de ses services déconcentré, chargé de la mise en œuvre de ses choix politiques.

Et nous sommes déjà obligés d’obéir. Sinon, personne n’aurait les moyens matériels du face à face pédagogique. En théorie, cette relation de dépendance découle de conventions de partenariat qui ont accompagné la décentralisation de l’accueil, de la restauration, de l’hébergement, de l’entretien général et technique ainsi que du recrutement et de la gestion des personnels techniques prévus dans la loi du 13 aout 2004.

Oui, la collectivité fixe déjà depuis plus de 15 ans des objectifs à l’EPLE, lui donne des moyens, et exige le compte rendu de leur utilisation. C’est l’adjoint gestionnaire qui est chargé de cette relation avec la collectivité, comme le précise l’article R421-13 du code de l’Education.

La question posée ici par l’article 41 n’est pas la question de l’administration de l’EPLE, mais bien celle du renforcement du pouvoir politique de la collectivité dans le pilotage de l’EPLE.

Les arguments des députés en commission ont été à nos yeux d’une médiocrité affligeante.

Pour l’un, l’adjoint gestionnaire ne sert pas à autre chose qu’à organiser des sorties scolaires, qui se font de plus en plus rares. Bref, il ne sert à rien, et ferait bien de se rendre utile au Service Public pour mériter son salaire.

Pour l’autre, l’adjoint gestionnaire de collège est un monstre politique. Avec ses seuls petits bras, disposant à peine des moyens de fonctionner distribués chichement par les départements, isolé, n’ayant plus aucune prise sur les agents décentralisés, il empêcherait à lui tout seul la politique de restauration de la collectivité en s’entêtant à organiser la mal bouffe.

Il n’y a pas de sots métiers, mais il y a des sots dans tous les métiers.

Or, le problème n’est pas là.

Le problème, c’est l’Etat, notre employeur, qui propose au travers d’un amendement du gouvernement de nous céder à la collectivité pour le franc symbolique.

Il confie l’autorité fonctionnelle à la collectivité, pour que l’adjoint gestionnaire devienne son bras armé dans l’EPLE, tout en conservant l’autorité hiérarchique, c’est-à-dire le meilleur pour les adjoints gestionnaires : un recrutement IRA inadapté, une formation professionnelle inexistante, un déroulement de carrière peau de chagrin, et un niveau de rémunération qui situe les adjoints gestionnaires parmi les cadres les plus mal payés de la Fonction Publique.

Bref, l’adjoint gestionnaire restera fonctionnaire de l’Etat, mais sera placé directement sous les ordres de la collectivité, sans que cela ne lui en coûte un sou !

Cette situation est vécue par la plupart d’entre nous comme une trahison, un coup de poignard dans le dos.

Faibles d’esprit que nous sommes, nous avons cru à la communauté éducative. Nous avons pensé être utiles à l’élève et à sa réussite. Et nous y avons mis toute notre énergie, souvent au-delà du raisonnable.

Faibles d’esprit que nous sommes, nous avons cru qu’il était légitime que l’Ecole républicaine soit UNE sur l’ensemble du territoire, et que la position dominante de l’Etat dans les choix d’Education du futur citoyen se devait de ne pas être soumise aux aléas des intérêts locaux.

Nous avons été bien faibles, et c’est notre employeur lui-même, l’Etat, qui nous ramène à notre triste réalité.

La porte est enfoncée, qui est maintenant grande ouverte pour la collectivité.

Pour les collectivités locales, l’important est d’entrer dans l’intimité de l’EPLE. L’adjoint gestionnaire en sera l’outil. Peu importe qu’il soit fonctionnaire de l’un ou de l’autre, du moment qu’il porte les intérêts de la collectivité au cœur du pilotage de l’EPLE.

Parce que les collectivités en ont assez de rester aux portes des établissements. Depuis longtemps, il leur est insupportable d’être maintenues au rang de carnet de chèque sans influence sur les choix éducatifs de leur territoire.

Peut-être n’est-il pas trop tard pour poser la question d’un meilleur partenariat Etat/Collectivité/EPLE, question qui aurait dû être traitée dès la mise en œuvre de la décentralisation.

Comment en est-on arrivés là ?

Probablement par désintérêt total de notre employeur pour les questions d’administration de l’EPLE. La preuve ? Qui sait aujourd’hui ce que peuvent bien faire tous ces administratifs dans les établissements. La transparence de l’obstacle…

Cette question, sachez-le, aurait pu être réglée depuis longtemps. Il existe des fiches métiers, dont celle de l’adjoint gestionnaire, qui ont fait l’objet d’un travail de mise à jour de grande qualité, auquel les organisations syndicales représentatives ont été associées. Ce travail, disponible depuis plusieurs mois, n’a fait l’objet d’aucune publicité et n’a jamais été présenté en CTMEN.

Si la fiche métier de l’adjoint gestionnaire avait été publiée, nous aurions de quoi répondre à tous les sots qui nous pensent inutiles. Mais nous n’avons pas pu répondre.

Il n’est pas inutile de rappeler que notre gouvernement lui-même, dans son étude d’impact sur la loi concluait dans l’exposé de l’article visé qu’il estimait « préférable de ne pas faire émerger une nouvelle autorité fonctionnelle. »

Nous, syndicats de la fédération UNSA Education, représentons toutes les composantes du Service Public d’Education. Tous les acteurs de la réussite de l’élève vous l’affirment :

  • L’élève a une vie sociale, culturelle, collective en dehors de la classe, dans laquelle il occupe un espace, où il passe du temps. Beaucoup de temps. Un lieu dans lequel il se sent en sécurité, dans lequel il mange et parfois dort. Dans ce lieu les personnels administratifs exercent des métiers complexes, dans le seul but de participer à sa réussite ;
  • L’EPLE doit disposer d’un système administratif, logistique et financier piloté. Ce pilotage, sous la responsabilité du chef d’établissement représentant de l’Etat et président du Conseil d’administration, ne peut s’exercer s’il est placé de fait sous la tutelle de la collectivité.

Si le Ministère se contente aujourd’hui de faire profil bas, et de ne pas se battre à nos côtés pour maintenir notre fragile équilibre de fonctionnement, alors nous sommes à l’aube de grands bouleversements.

La collectivité n’est pas notre ennemie. Elle sert le même Service Public, les mêmes élèves. Cependant, contraindre des milliers de fonctionnaires de l’Etat de la servir contre leur gré (tous les sondages et enquêtes conduits auprès de nos collègues le confirme) sera source de bien des difficultés à venir et ne sera pas de nature à offrir aux élèves un climat propice à leur réussite.

En effet tout le système EPLE sera à réinventer.

Qui sera à la gouvernance de l’EPLE ? Jusqu’où ira la perte d’autonomie de l’EPLE ?

Quel sera l’avenir et le positionnement de l’ensemble des administratifs de l’EPLE, dont on s’entête à ne pas reconnaitre la mission, et qui auront un chef de service dépendant de deux autorités ?

Quel sera l’impact des choix politiques locaux sur le fonctionnement du face à face pédagogique, lorsqu’il sera encadré par la collectivité ?

Nous, nous pensons qu’il n’est peut-être pas trop tard, si les uns s’engagent dans la reconnaissance de la mission et de l’utilité des administratifs de l’Education, et les autres dans la voie d’un partenariat sincère.

Comme l’a exprimé notre Premier Ministre, ne prenons pas le problème par le petit bout de la lorgnette. La question n’est pas celle de l’abandon cruel de milliers de serviteurs du Service Public en rase campagne. La question est celle du renoncement de l’Etat dans sa gouvernance du système éducatif.

Nous nous battrons jusqu’au bout pour empêcher cela. Il serait tellement plus efficace que nous ne soyons pas seuls dans ce combat.

La fédération UNSA Education et ses syndicats A&I UNSA, Snia-ipr UNSA, SieN UNSA, Snpden UNSA et SNPTES UNSA.