Réforme de la responsabilité des comptables, des régisseurs et des ordonnateurs : DANGER

Réforme de la responsabilité des comptables, des régisseurs et des ordonnateurs : DANGER

Le ministère des finances dévoile progressivement les contours d’une réforme d’un régime séculaire : celui de la responsabilité personnelle et pécuniaire (RPP) des comptables publics.

Pour les seuls EPLE, ce sont désormais près de 10 000 collègues, qu’ils soient agents comptables, adjoints gestionnaires ou régisseurs de toutes catégories qui encourent une responsabilité à caractère pénal et managérial dont le périmètre reste flou et les conséquences redoutables.

Sans plus de délai, A&I UNSA et son union réclament au ministre chargé des comptes publics et à notre ministre (son cabinet a été saisi), l’instauration d’un dialogue social qui soit à la hauteur des enjeux et du respect dû aux personnels.

En effet, le Premier ministre, après un arbitrage pendant l’été, a fait le choix de procéder par voie d’ordonnance dont le processus débuterait dès le conseil des ministres du 22 septembre ! Pourtant, il n’a ni initié le dialogue social avec les organisations syndicales ni semble-t-il même partagé les orientations de Bercy avec les autres ministères concernés.

A&I UNSA ne conteste pas l’utilité de réformer au fond, dans le sens d’un meilleur équilibre, le régime actuel de sanction des gestionnaires publics cependant notre organisation dénonce, sur la forme, la procédure d’urgence employée alors qu’il s’agit là non pas d’un énième ajustement technique mais bien d’un choix politique et technocratique radical. Loin de la rééquilibrer, cette réforme risque d’aggraver sans contrepartie la responsabilité non seulement des ordonnateurs et des comptables en titre mais également celle de leurs délégataires et mandataires.  

A tout point de vue, c’est bel et bien une révolution qui s’avance. Jugez plutôt :

  • La RPP y compris de caisse disparait totalement au 1er janvier 2023 pour être remplacée par un double dispositif pénal et managérial, répressif, pour les ordonnateurs et les comptables avec un risque d’extension à leurs délégataires et mandataires, ce qui signifie, pour les EPLE, aux adjoints gestionnaires et aux régisseurs.
  • Une nouvelle juridiction serait créée (première instance, appel) pour juger des comptables et des ordonnateurs pour les fautes présentant un « caractère avéré de gravité avec un préjudice financier significatif ». Ces notions ne font pour l’heure l’objet d’aucune définition précise !
  • Le juge serait amené à procéder à des sanctions pénales, par voie d’amendes pouvant représenter jusqu’à six mois de traitement ! Une peine complémentaire d’interdiction temporaire d’exercice pourrait également être prononcée…
  • Naturellement, un tel régime ne peut faire l’objet d’aucune assurance… C’est également la fin programmée du cautionnement.
  • Le reste des fautes (formelle, de moindre importance, toujours sans définition précise) serait laissé à l’appréciation de la chaîne hiérarchique !

En démocratie, le dialogue et la contradiction sont sources de progrès. La verticalité solitaire et la précipitation sont, elles, sources d’erreurs voire d’échecs. L’enseignement de Paul Valéry – « un homme seul est toujours en mauvaise compagnie » – devrait inspirer de meilleures méthodes sur de tels sujets.